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Revue algérienne des lettres RAL

Appel à contributions pour un numéro spécial

                          FRANTZ FANON : UNIVERSALITÉ ET TRANSDISCIPLINARITÉ

                                  Numéro coordonné par Belabbas BOUTERFAS

 Jamais les idées d’un homme qui, dépourvu de pouvoir, de soutien d’institutions politiques, culturelles ou financières accompagnatrices ou, de tout autre forme d’assistance, n’ont pu transcender les frontières géographiques, disciplinaires, historiques comme celles de Frantz Fanon.

Les pertinences transhistorique et transnationale de celles-ci, leur intersectionnalité (Kimberlé, 1989) et leur influence sur divers champs disciplinaires deviennent de véritables outils théoriques indispensables à la compréhension de phénomènes tant historiques que contemporains dans des contextes géographiques et culturels différents.

Dans Les Damnés de la terre, Fanon expose les mécanismes dont se sert le pouvoir colonial pour sa mainmise totale sur le colonisé et son espace de vie. Dans le chapitre un De la violence, il explique d’abord que la colonie est le résultat d’une conquête militaire suivie et renforcée par la mise en place d’une administration civile et policière (Mbembe, 2007). La matrice originelle, explique-t-il, est la guerre, forme maximale de la lutte à mort. L’installation de la colonisation se structurera en espace binaire où apparaitra la ville du colon et la ville du colonisé, l’humanisation du colon et l’animalisation du colonisé d’où découlera une seconde forme de séparation, la séparation des valeurs : le colon se pose comme le Bien et pose comme le Mal, le colonisé.

Devant cette situation de violence inouïe, continue-t-il, décoloniser consistera à rejeter la dichotomie, la compartimentalisation du monde colonial et à décoloniser l’être : «La décolonisation est véritablement création d'hommes nouveaux ». La « chose colonisée » devient, dit-il, «un homme dans le processus même par lequel elle se libère» (Kimberlé, 1989). Cette remise en cause intégrale ne pourra se faire sans violence, une violence annonciatrice d’un renouveau, d’une réhumanisation du colonisé. Dans ce nouveau chantier, le colonisé en construction, tiendra compte de l’apport de l’Europe et de ses crimes à la fois, et pour faire avancer l’humanité entière, il n’imitera pas son passé mais se rappellera de tout pour mieux se réinventer et découvrir.

Ce rappel permet de situer l’homme et le contexte de son centenaire. Le monde fêtera le centenaire de sa naissance en 2025, Frantz Fanon étant né le 20 juillet 1925 en Martinique et a eu l’Algérie comme laboratoire d’où ont jailli ses théories sur les œuvres du colonialisme dans toute sa voracité. Et c’est à cette occasion que la Revue algérienne des lettres RAL a pensé lui dédier un numéro spécial, cette année 2025.

C’est l’universalité et la contemporanéité des idées de Fanon que nous avons choisi d’aborder sous divers angles. C’est aussi les impacts de ses travaux sur les générations présentes en Afrique et en Amérique du Sud notamment qui méritent de s’y intéresser. L’étude de ses idées sur le colonialisme, l’identité et la résistance du colonisé, la psychologie de l’oppression, sont devenues de véritables outils théoriques que les sciences humaines et sociales (sociologie, philosophie, psychologie, histoire, psychanalyse …) utilisent de plus en plus pour mieux appréhender les enjeux actuels.

Dans un monde dominé par les Blancs, Fanon a exploré les complexités de l’identité du colonisé ; et les études sur l’intériorisation de l’oppression, le désir de reconnaissance et de la construction deviennent des références universellement reconnues. Ses travaux qui concernent les impacts du colonialisme sur les structures sociales de la société colonisée et sur les relations colon/colonisé, ont doté les sociologues contemporains de clés pour les études sur la race (Paul Gilroy, Stuart Hall), ils ont aidé au développement de la philosophie postcoloniale (Judith Butler, Homi Mhabha, Enrique Dussel, Lewis Gordon). D’autres travaux sur l’expérience de la racialisation repris et développés par Bell Hooks et Angela Davis suscitent un intérêt grandissant dans les milieux scientifiques contemporains.

La théorisation de la violence et l’explication des phénomènes qui l’engendrent permirent aux mouvements sociaux dans des sphères culturelles différentes par leur Géographie, leur Histoire et leur Culture de se les approprier et d’en faire des outils de lutte contre l’oppression et contre ses impacts psychologiques desquels le colonisé devait se libérer. De même, pour la psychologie de la libération, champ qui s’intéresse aux effets de l’oppression et sur les stratégies de résistance psychologique.

Enfin dans le monde des études littéraires, les idées de Fanon furent suivies avec intérêt par un florilège d’auteurs dans les littératures, africaine et caribéenne notamment Aimé Césaire, Edouard Glissant, Patrick Chamoiseau, Raphaël Confiant, Daniel Boukman et d’autres ailleurs, comme Edward Said. Autant d’exemples de sphères culturelles, de disciplines, de personnages que les travaux de Fanon ont transcendés et inspirés par leur justesse et leur contemporanéité.

Depuis des décennies maintenant, les théories de Fanon, originaire du Tiers-Monde, furent pensées pour libérer cet espace sous domination et ses combats furent menés sur un des terrains de cette même sphère, l’Algérie. Plus tard, dans les années quatre-vingt-dix, depuis l’un des espaces jadis sous domination, l’Amérique du Sud, Grupo Modernidad /Colonialidad, (groupe modernité/Colonialité), dont les membres Walter Mignolo, Catherine Walsh, Enrique Dussel, Arturo Escobar, Ramón Grosfoguel ou encore Santiago Castro-Gómez, affirme que la décolonialité (Mignolo, 2013) est tiers mondiste. Ce courant de pensée né dans le prolongement des travaux d’Edward Said a été inspiré par les idées de Frantz Fanon et encouragé par les résolutions de la conférence de Bundung en 1955 et celle des pays non-alignés de Belgrade en 1961. Les travaux de ce groupe expliquent que la modernité est une facette de la colonialité et ne pas la remettre en cause, telle que présentée, induit l’acceptation d’un autre type de colonialisme. L’Homme Blanc, s’est imposé par le développement scientifique, le progrès et par un type de civilisation qu’il a imposé par la violence comme modèle universel et qui continue de le faire aujourd’hui, par d’autres moyens. Cette colonialité est imposée de diverses manières, le pouvoir, le savoir, la négation de l’Autre rendu inhumain et invisible. Pour expliquer la décolonialité, ils utilisent les mêmes concepts que Fanon. Elle repose sur la remise en cause de l’idée de la supériorité de l’homme blanc, du colon sur le colonisé, du savoir du colon et de sa science. Elle s’appliquera à faire émerger le « colonisé » d’aujourd’hui, le sortir de son invisibilité, de sa déshumanisation, autrement dit, remettre en cause « la construction binaire du monde : colonisateur/colonisé, Europe/non-Europe, peau claire/peau foncée ». Cette invitation à repenser le monde, à questionner la modernité par des outils autres, s’appellerait la Transmodernité. 

Fanon a consacré sa vie à la libération de l’homme, il a été le porte-parole des humiliations vécues en Algérie colonisée (Achour, 2011), il est, de ce fait, un patrimoine mondial qui a pu s’ouvrir les chemins et frapper aux portes des sciences sans en privilégier une en particulier et c’est pour cette raison que ce numéro spécial centenaire de Fanon est ouvert aux sciences humaines et sociales et englobera les diverses facettes du personnage.

 

Axes de réflexion (à titre indicatif)

  • La colonisation et le monde binaire.
  • Le processus de décolonisation et la violence.
  • L’impact des idées de Fanon sur les mouvements nationaux dans le monde
  • L’impact des travaux de Fanon sur le courant postcolonial.
  • Fanon face aux inconséquences de la mondialisation.
  • La décolonisation par la psychiatrie 
  • Transmission pédagogique et curriculum décolonial : Usage de Fanon dans l’éducation décoloniale, la formation universitaire et les Cahiers pédagogiques

Références bibliographiques

COLLIN Ph. et QUIROZ L. 2023. Pensées décoloniales. Une introduction aux théories critiques d'Amérique latine. La Découverte. Paris.

MIGNOLO W. 2013. « Géopolitique de la sensibilité et du savoir. (Dé)colonialité, pensée frontalière et   désobéissance   épistémologique », Mouvements, 73 | 1. pp.181-190. Traduction de l’Anglais par Vanessa Lee.

KIMBERLE C. 1989. "Demarginalizing the Intersection of Race and Sex: A Black Feminist Critique of Antidiscrimination Doctrine, Feminist Theory and Antiracist Politics," University of Chicago Legal Forum: Vol. 1989: Iss. 1, Article 8.  http://chicagounbound.uchicago.edu/uclf/vol 1989/ iss1/8

MBEMBE A. 2007. « De la scène coloniale chez Frantz Fanon ». Rue Descartes. 2007 | 4, n° 58. pp. 37-55.

FANON F. 1970. Les Damnés de la terre. Petite collection Maspéro. Paris.

ACHOUR Chr-Ch (dir.). 2011. Frantz Fanon, «Mon Fanon à moi». Algérie Littérature/Action, n° 153-156, septembre-décembre 2011, pp. 153-156.

Calendrier

Lancement de l’appel à contributions : 20 mai 2025

Date limite de réception des articles pour évaluation : 5 novembre 2025

Mise en ligne du numéro : février 2026

Lien de téléchargement du Template : https://www.asjp.cerist.dz/en/PresentationRevue/523

Lien de soumission des articles : https://www.asjp.cerist.dz/en/submission/523

Site officiel de la revue : https://journals.univ-temouchent.edu.dz/index.php/RAL

Langues de rédaction et de publication : français, anglais, espagnol

 

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Revue algérienne des lettres RAL

Appel à contributions pour le Volume 9, Numéro 2 | 2025

TRADUCTION SPÉCIALISÉE ET MÉDIATION INTERCULTURELLE : QUELLES ARTICULATIONS

                                       À L’ÈRE DE L’INTELLIGENCE ARTIFICIELLE ?

                                         Numéro coordonné par Amina BENSLIM

 

Dans un monde globalisé où les interactions internationales se multiplient à un rythme soutenu, la traduction spécialisée s’impose comme un vecteur incontournable de communication efficace entre secteurs, disciplines et cultures. Elle ne se limite pas à une simple transposition de mots, mais constitue une opération de haute précision dans des domaines sensibles tels que le droit, la médecine, les finances et les technologies où la moindre erreur traductionnelle peut avoir de lourdes conséquences. Les erreurs notoires en traduction spécialisée, illustrées dans ce contexte par le célèbre cas du patient Willie Ramirez, survenu en 1980 dans un hôpital américain où une mauvaise interprétation a conduit à une erreur médicale tragique lui causant un handicap permanent, rappellent l’importance vitale de la précision terminologique, de la compétence interculturelle et de la sensibilité contextuelle dans la pratique traductive spécialisée.

De ce fait, il va sans dire que la traduction spécialisée juridique, médicale, scientifique, technique ou même littéraire exige bien plus qu’une substitution lexicale : elle engage des savoirs disciplinaires, des normes professionnelles, une capacité d’analyse contextuelle et une adaptation interculturelle. Comme le rappelle Catford (1965), toute opération de traduction implique une transposition systémique entre deux langues, ce qui nécessite une compréhension précise des règles linguistiques et pragmatiques du domaine concerné. Pourtant, cette technicité se heurte souvent aux limites de l’intraduisible (Cassin, 2013), c’est-à-dire aux zones où le langage résiste à la conversion linéaire et où la traduction devient interprétation, voire recréation.

La qualité d’une traduction ne repose donc pas uniquement sur la compétence linguistique : elle implique une véritable maîtrise interculturelle. Comprendre les subtilités d’une culture, ses références implicites, ses codes sociaux et ses attentes communicationnelles est essentiel pour transmettre un message non seulement exact, mais aussi intelligible et acceptable pour le destinataire. Le traducteur devient dès lors un médiateur culturel, capable d'adapter le contenu à un contexte culturel sans en trahir le sens. Ce rôle devient d’autant plus crucial dans des domaines comme la diplomatie, le marketing ou la communication politique, où l’interprétation d’un mot peut changer le ton, voire la portée d’un discours.

Cela nous autorise à dire que tout acte traductif est, au fond, un acte de médiation culturelle. Traduire, c’est aussi adapter des référents, des valeurs implicites, des logiques discursives propres à une culture donnée (Martin, 2004). Dans un domaine spécialisé, cela suppose une double compétence : linguistique et interculturelle. Lederer (2006) insiste sur la dimension cognitive du processus traductif, fondée sur l’interprétation du sens au-delà des mots. La pertinence d’un terme, la formulation d’un contrat ou le ton d’un message marketing ne peuvent être transférés sans tenir compte du contexte culturel du récepteur. Loin d’être accessoire, la compétence interculturelle constitue une garantie de justesse, de recevabilité et parfois même de légitimité du texte traduit (Roura, 2014).

Dans ce paysage en pleine mutation, l’intelligence artificielle (IA) apparaît comme un catalyseur de transformation des pratiques professionnelles. En permettant des traductions instantanées, en facilitant la reconnaissance terminologique ou en automatisant certaines tâches traductives répétitives, l’IA ouvre la voie à de nouvelles modalités de travail pour les traducteurs. Toutefois, ces outils, aussi puissants soient-ils, restent aveugles aux logiques culturelles et aux enjeux contextuels. Ainsi, loin de remplacer les traducteurs, l’IA redéfinit leur rôle traductif : elle les pousse à se positionner davantage comme des experts de la médiation interculturelle, capables d’orchestrer intelligemment la technologie au service d’une communication précise, nuancée et culturellement appropriée.

Par ailleurs, dans un contexte où le développement des outils de traduction automatique soutenus par l’IA et le traitement du langage naturel demeure fulgurant et reconfigure en profondeur les pratiques traductives, les avis divergent. Ainsi, certains voient dans ces derniers un levier de productivité et d’accessibilité (Ibanez, 2023) alors que d’autres soulignent leurs limites sémantiques et culturelles et soutiennent l’idée que l’IA reste aujourd’hui incapable de traiter l’ambiguïté lexicale, la polysémie (Misri, 2007) ainsi que les nuances culturelles. Des études pilotes sur la traduction automatique de textes littéraires (Besacier, 2014 ; Puren, 2020) montrent les carences de ces outils en matière de style, de ton et de profondeur sémantique. Comme le souligne Kübler (2023), le recours à la machine n’est pas sans risque : il transforme la nature même de l’acte traductif, le réduisant parfois à une opération de transcodage, alors que la traduction suppose avant tout une lecture sensible et raisonnée aspirant à la précision linguistique et prenant en compte les différences culturelles.

De ce fait, l’idée que les compétences interculturelles peuvent influencer la qualité des traductions spécialisées est particulièrement importante dans un monde de plus en plus connecté. En intégrant ces dernières dans le cadre de l'IA, les traducteurs pourraient non seulement améliorer la qualité des traductions spécialisées, mais aussi contribuer à un dialogue interculturel plus riche et plus respectueux. C’est dans ce cadre que s’inscrit cette thématique qui pourrait permettre d’enrichir la réflexion sur le rôle du traducteur spécialisé en tant que médiateur interculturel et d’identifier les pratiques pertinentes nécessaires pour l’amélioration de la qualité des traductions en contexte multilingue et multiculturel dans un monde en pleine évolution technologique.

Objectif 

Cette thématique de recherche vise à explorer les tensions, les complémentarités et les synergies entre compétences humaines et technologies émergentes dans le champ de la traduction spécialisée à l’ère de l’intelligence artificielle ; elle propose de réfléchir à la manière dont les compétences interculturelles et les technologies de l’IA modifient en profondeur les modalités de production, d’interprétation et de réception de la traduction spécialisée. Elle s’adresse aux traducteurs, chercheurs, linguistes, enseignants, professionnels du numérique, spécialistes de la médiation interculturelle ainsi qu’aux développeurs d’outils de traduction. Les communications pourront porter sur des études de cas, des analyses théoriques, des retours d’expérience ou des perspectives critiques autour des axes suivants (le numéro restant ouvert à toutes les propositions) :

 

Axes de recherche proposés 

Axe 1 – La traduction spécialisée : quelles nouvelles compétences à l’ère numérique ?

Comment former les traducteurs de demain à la fois à la rigueur terminologique, à la sensibilité interculturelle et à l’usage critique de l’IA ? La formation en traduction spécialisée ne peut ignorer l’évolution rapide des outils numériques, ni la dimension déontologique liée aux biais algorithmiques et aux décisions automatisées. Cet axe interroge les compétences nouvelles requises et propose de penser la traduction spécialisée comme une hybridation entre technologie et humanité (Cassin, 2016).

Axe 2 – Comment l’intégration des compétences interculturelles pourrait-elle transformer la qualité des traductions spécialisées ?

Dans la lignée des travaux de Lederer (2006) ou Roura (2014), cet axe explore la nécessité d’une compétence interculturelle élargie dans la pratique traductive spécialisée. Celle-ci ne se limite plus à la simple transposition de termes, mais implique une compréhension fine des systèmes de valeurs, des référents culturels et des attentes communicationnelles. Le modèle de communication interculturelle peut ici servir de cadre théorique pour analyser la manière dont les traducteurs naviguent entre deux systèmes de pensée (Martin, 2004).

Axe 3 – L’IA et traduction spécialisée : vers une cohabitation homme-machine ?

Dans quelle mesure l’intelligence artificielle reconfigure-t-elle les rôles et responsabilités des traducteurs spécialisés ? En s’appuyant sur les études de Besacier (2014), Ibanez (2023) ou Puren (2020), cet axe vise à évaluer de manière critique les promesses et les limites des outils de traduction automatique. La polysémie, les jeux de mots, les implicites culturels échappent encore largement aux capacités des algorithmes (Misri, 2007). Il s’agira d’examiner les pratiques de post-édition, les nouveaux formats de travail collaboratif homme-machine, ainsi que les besoins en formation continue en matière de traduction spécialisée.

Axe 4 – Traduction automatique : enjeux professionnels, cognitifs et éthiques

Dans un contexte où les algorithmes traduisent pour des millions d’usagers, des questions éthiques majeures émergent : qui contrôle le choix de la terminologie ? Quels biais culturels sont encodés dans les modèles ? Que devient la responsabilité du traducteur ? S’appuyant sur une lecture critique des travaux de Kübler (2023) ou Ibanez (2023), cet axe ouvre à une réflexion sur la gouvernance éthique de la traduction spécialisée automatisée.

Axe 5- L’intervention de l’IA dans différents domaines de la traduction spécialisée

L’essor rapide de l’intelligence artificielle transforme en profondeur la pratique de la traduction spécialisée dans des secteurs aussi variés que le littéraire, l’audiovisuel, le médical, le juridique, l’ingénierie ou encore le marketing. Cette mutation soulève des enjeux majeurs : comment l’IA influence-t-elle la qualité, l'efficacité, l’éthique et l’accessibilité des traductions spécialisées ? Quelles limites rencontre-t-elle face à la complexité linguistique, culturelle ou contextuelle des domaines spécialisés ? Enfin, quel est le nouveau rôle qu’occupe le traducteur humain face à ces technologies ?

Références principales 

  • CASSIN B. 2013. Philosopher en langues. Les intraduisibles en traduction. Rue d’Ulm.
  • CASSIN B. 2016. Éloge de la traduction – Compliquer l’universel. Fayard.
  • CATFORD J.C. 1965. A Linguistic Theory of Translation. Oxford University Press.
  • LEDERER M. 2006. La traduction aujourd’hui : le modèle interprétatif. Lettres modernes Minard.
  • MARTIN J. 2004. « La traduction comme adaptation entre les cultures ». Palimpsestes, 16.
  • ROURA M. A.-V. 2014. « Compétence interculturelle en classe de langue ». Synergies Mexique, n°4.
  • BESACIER L. 2014. Traduction automatisée d’une œuvre littéraire : étude pilote. TALN.
  • IBANEZ F. 2023. « L’impact de l’IA sur la traduction ». Alphatrad.
  • KÜBLER N. 2023. La traduction automatique : traduction machine ? CLILLAC.
  • MISRI G. 2007. « Problèmes d’homonymie et polysémie ». Synergies Monde arabe, n°4.
  • PUREN M. 2020. La traduction automatique. HAL archives.

Calendrier

Lancement de l’appel à contributions : 15 mai 2025

Date limite de réception des articles pour évaluation : 10 septembre 2025

Mise en ligne du numéro : 30 décembre 2025

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Langues de rédaction et de publication : français, anglais, espagnol

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                                       Appel  contribution pour un numéro thématique

Volume 9, n°1 | 2025

L’ALBUM DE JEUNESSE :  UN ESPACE DE RÉFLEXION PHILOSOPHIQUE ET IDÉOLOGIQUE

Numéro thématique coordonné par Nadjet Boukebbab

La littérature de jeunesse, trop controversée depuis son affermissement, constitue actuellement un champ d’investigation pluridisciplinaire fertile. Apparue au milieu des années 1970, surtout avec l’éclatement éditorial de l’album de jeunesse, cette innovation littéraire à vocation pédagogique a profondément transformé les représentations traditionnelles de la littérature et de son utilisation didactique. Marc Soriano, spécialiste des contes de Perrault, la définit comme « une communication historique […] entre un scripteur adulte et un destinataire enfant (récepteur) qui, par définition en quelque sorte, au cours de la période considérée, ne dispose que de façon partielle de l’expérience du réel et des structures linguistiques, intellectuelles, affectives et autres qui caractérisent l’âge adulte  » (1975 : 18). Il circonscrit dans sa définition le critère principal de la production pour la jeunesse rattaché essentiellement à la nature même de son public jeune en mettant l’accent sur l’aspect limité de ses compétences expérientielles, linguistiques, émotionnelles, interprétatives et analytiques.  Par son aspect novateur (spécificité du public visé, structure interne des œuvres, bipolarité de son discours texte/image), il n’était pas aisé que les conservateurs de la tradition littéraire acceptent ce renouveau apporté par les modernistes où l’enjeu était de taille. D’ailleurs, il a fallu plusieurs décennies pour que la littérature de jeunesse soit reconnue comme une littérature à part entière et intégrée dans le champ scolaire. Un exemple marquant est celui de la réécriture et la republication du roman de Michel Tournier, Vendredi ou les limbes du Pacifique, quatre ans après sa première parution , sous une autre forme et avec un autre intitulé  Vendredi ou la vie sauvage. Cette reprise a permis à Tournier de poser indirectement les premiers fondements conceptuels de la production pour la jeunesse. Il a fait remarquer lors d’un entretien qu’il a voulu écrire « une nouvelle version épurée, clarifiée, réduite à l’action et aux sensations » (Bevan, 1986 :26) tant la première version lui a paru « surchargée de réflexions, abstractions, constructions logiques » (Bevan, 1986 :26). Plus tard, Jean Joubert, un écrivain et poète qui écrit aussi bien pour les jeunes que pour les adultes renforce les propos de Tournier et souligne que  « [l]es textes se concentrent sur l'essentiel, évitent les ornements inutiles, les descriptions complaisantes, les abstractions, la prestidigitation stylistique, tout en préservant la qualité littéraire » (1989 : 67). Christine Delpierre et Elizabeth Vlieghe, tout en commentant les propos de Joubert, précisent : « [L]a lecture des textes montre bien que le style se simplifie par l'emploi de phrases courtes […]. Les métaphores sont moins nombreuses, le vocabulaire est moins complexe, plus courant, moderne […]. D'autre part, l'action est parfois privilégiée au détriment des descriptions, de l'analyse des sentiments ou des motivations intérieures. (1990 : 113)

Longtemps sous-estimée, parce que considérée comme un produit paralittéraire puis littéraire dilué (Petitjean, 2018 : 28) en comparaison aux textes de la littérature standard, la littérature de jeunesse est devenue, en quelques décennies, une réalité sociale, culturelle, littéraire et pédagogique reconnue. Cette littérature avec ses différents genres, qu’ils soient innovés (L’album de jeunesse, le théâtre Kamishibai, la bande dessinée) ou récupérés de la tradition ancienne (roman, nouvelle, etc.) et réadaptés aux critères de production pour la jeunesse), est devenue un réel laboratoire d’idées et un champ d’expression et de réflexion autour de sujets variés (légers, tabous ou d’actualité). Malgré la richesse de sa production, nous avons focalisé notre réflexion sur le genre de l’iconotexte et plus précisément l’album de jeunesse. En fait le concept d’iconotexte forgé à la fin des années 1980 par Michael Nerlich, linguiste et philologue allemand, est défini comme « une unité indissoluble de texte(s) et d’image(s) dans laquelle ni le texte ni l’image n’ont de fonctions illustratives et qui – normalement, mais non nécessairement- a la forme d’un livre. » (1990 : 255). Cette définition fondée sur une relation d’interdépendance entre le texte et l’image au sein d’une œuvre nous renvoie vers l’album de jeunesse dont la scripto-icono-genèse est conçue selon une structure hybride où les composantes internes de l’œuvre ont tendance à associer deux systèmes sémiologiques distincts. Nous pouvons fixer, à la suite de Grossmann (1996 : 42) et structurellement parlant, les composantes essentielles à la production d’un album de jeunesse qui sont le texte et l’image — tout en sachant qu’il existe des exceptions où des albums de jeunesse sont dépouillés de texte comme le cas de Loup Noir d’Antoine Guillopé. Le balancement entre les deux systèmes sémiologiques (texte/image) donne lieu à une lecture bifocale située sur deux espaces au sein de la même œuvre, ce qui provoque transfert et glissement d’un mode de lecture sur l’autre, avec des mécanismes de transfert multiples générant ainsi des processus de lectures plurielles. 

Le genre de l’album – de par sa spécificité bifocale (située sur deux espaces sémiologiquement et structurellement distincts) et duophonique où l’on assiste à un processus narratif éclaté (double narration ou narration au second degré étant donné que le texte raconte au même titre que l’image) – est loin d’être une œuvre plate. Bien au contraire, celui-ci, malgré son volume réduit et sa masse textuelle brève en comparaison avec les œuvres de littérature standard porterait en lui un lourd projet à forte charge philosophique et idéologique : « Aujourd’hui autant qu’hier, la littérature de jeunesse, comme toute production culturelle et artistique, s’inscrit dans une évolution idéologique… » (Butlen, 2005 : 3). D’après la définition, la littérature de jeunesse, à l'instar de toute production culturelle, évolue continuellement au gré des idéologies. De ce fait, la portée idéologique des œuvres pour la jeunesse a permis de dépasser la lecture superficielle et tous les préjugés négatifs liés à la maigreur du corpus. L’image, au même titre que le texte, est porteuse, elle aussi, de projet idéologique (Verbrugge, 2023 : 13). Par ailleurs, Edwige Chirouter dont les recherches portent sur la philosophie pour les enfants et la littérature de jeunesse appuie l’idée de la teneur philosophique des œuvres de jeunesse en affirmant que  [d]ès l’école maternelle, l’enfant peut réfléchir sur les enjeux de ce qu’on lui lit lorsque le texte résiste à une interprétation immédiate […]. L’interprétation prend, le plus souvent, la forme d’un débat très libre dans lequel on réfléchit collectivement sur les enjeux esthétiques, psychologiques, moraux, philosophiques […]. (2016 : 79)

De ce fait, en dépit de ses facultés mentales et expérientielles encore en cours de développement, le jeune lecteur/explorateur est amené à se découvrir comme « sujet-pensant », en ce sens que ce dernier, à travers la découverte de l’œuvre lors de sa propre lecture ou de celle de son enseignant ou d’un tiers (les parents, entre autres surtout en cycle maternel), devient porteur, d’une réflexion autour de son existence humaine (comment et pourquoi ?)  (sociale, culturelle,…) ainsi que son appartenance géographique, sociale, culturelle, doctrinaire, etc. De telles interrogations plongent le jeune lecteur (ainsi que celui qui prend en charge la lecture) dans une réflexion d’ordre métaphysique, ce qui le plonge pleinement dans la sphère philosophique et idéologique de sa réflexion et de celle du produit littéraire en question. En fait, cette observation constitue la base de notre problématique qui porte sur la liaison entre le débat interprétatif en littérature et la discussion à visée philosophique et idéologique, ses manifestations iconotextuelles ainsi que ses enjeux dans l’album de jeunesse. Autrement dit, comment le discours philosophique et idéologique jaillit-il d’une œuvre littéraire réduite en masse textuelle et iconographique ? Sous quelles formes ? Et quelle est sa portée ?   Pour approfondir ces questionnements, nous proposons, à titre indicatif, les axes de recherche suivants : 

1.    Sémiologie iconotexuelle et discours idéologique et philosophique   

2.    Croisements philosophiques, idéologiques et interculturels dans l’album de jeunesse 

3.    L’album de jeunesse comme objet d’enseignement de la philosophie et de l’idéologie

4.    Les enjeux éthiques et moraux de la philosophie et de l’idéologie au sein des albums de jeunesse 

5.    La réception de l’album de jeunesse par le liseur adulte

6.    Rôle du discours philosophique et idéologique dans la formation psychologique et identitaire du jeune lecteur via l’album de jeunesse

Références bibliographiques  

Bevan D.G.1986. Michel Tournier. Rodopi. Amsterdam

Bogdan T. 2024. Philosophie Réel.  Publishroom. Paris

Christine D. , Vlieghe E. 1990. “La littérature de jeunesse : une littérature d'un nouveau genre”. In Recherches n° 12, AFEF, Lille, pp. 111-119 https://www.revue-recherches.fr/wp-content/uploads/ 2015/05 /R12_ 111_DelpierreVlieghe2.pdf

Chirouter E. 2015. L’enfant, la littérature et la philosophie. L’Harmattan. Paris

Chirouter E. 2016. Aborder la philosophie en classe à partir d’albums de jeunesse. Paris. Hachette

Chirouter E.  Prince N. 2019. Philosophie (pour les enfants) et littérature (de jeunesse) Lumières de la fiction. Editions Raison publique. Paris

Béthotéguy G., Connan-Pintado Ch., Plissonneau G. 2015, Idéologies et roman pour la jeunesse au XXIème siècle. Pressses Universitaires de bordeaux. Bordeaux

Grossmann F. 1999. “Littéracie, compréhension et interprétation des textes”. In Repères, n° 19, p. 42 

Joubert J., 1989,  Le roman pour la jeunesse : réflexions et perplexités d'un auteur ", in  Littérature pour la jeunesse » : le roman. Numéro spécial de L'école des lettres. N°9, pp.76-91

Butlen M., Dubois-Marcoin D. 2005. “La littérature de jeunesse, repères enjeux et pratiques”.  In Le français d’aujourd’hui  n°149, pp. 3-6

Nerlich M. 1990. Qu’est-ce qu’un iconotexte? Réflexions sur le rapport texte-image photographique dans La femme se découvre d’Evelyne Sinnassamy, in Iconotextes, Alain Montandon (Dir), Orphys, Paris.

Dottin-Orsini.M, Tadié. J, Ducrey.G, (centre de recherche en littérature moderne et contemporaine, EA856), 2008, Le dit masqué : imaginaire et idéologie dans la littérature moderne et contemporaine, Publications de l’Université de Provence, Provence. 

Petitjean A.-M. 2018. « Le statut du livre jeunesse dans les recherches sur la lecture : quelle place dans les revues au XXIème siècle ». In Carrefour de l’éducation n°46, Paris, Armand colin, pp 27-40 

Thomas W. J. M. 2009, Iconologie : image, texte, idéologie. Prairies ordinaires. Paris

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Calendrier :

Lancement de l’appel à contributions : 15 novembre 2024 

Date limite de réception des articles pour évaluation : 10 mars 2025 

Mise en ligne du numéro : fin juin 2025 

Lien de téléchargement du template : https://www.asjp.cerist.dz/en/PresentationRevue/523

Lien de soumission des articles : https://www.asjp.cerist.dz/en/submission/523